QUOI PENSER DE L’ENTRETIEN DU CAPITAINE PRÉSIDENT
Pendant une heure trente minutes d’horloge, nous avons assisté patiemment à un entretien qui était le premier exercice du genre du Chef de l’état Burkinabè. L’incrédulité de la journaliste face à un chef d’état qui ramène tout aux opérations basiques de terrain, laissant comprendre ainsi qu’il ne maîtrise pas les questions majeures de l’état fut sans appel.
En effet, les balbutiements du capitaine face aux questions économiques (notamment les questions de nos mines et les questions de la fiscalité, mais pire, croire pouvoir compenser les pertes de l’état à cause de la fuite des entrepreneurs par l’entreprenariat communautaire est une aberration inouïe), les errements face à la question du G 5 Sahel, mais encore mieux, l’absence de perspective à présenter aux Burkinabè, ont été autant d’écueils qui font de cet entretien un exercice puéril d’une personne qui n’a pas les compétences pour diriger un pays dans les gouffres comme le Burkina Faso aujourd’hui.
Avant de revenir sur certains aspects du fond de cet entretien, dans la forme nous avons assisté à un entretien au cours duquel le chef d’état sourit à tout va, même quand il aborde des questions d’une extrême gravité. Ce fut un entretien plat qui n’entraîne pas le peuple dans un élan de ferveur et d’engagement : un entretien sans conviction. C’est à croire que le monsieur qui disait « tout est urgent et que les terroristes sont à la porte de nos grandes villes » n’est plus. À en croire le ouf de soulagement à la fin de l’entretien, qui vient trahir la sérénité que le capitaine a voulu dégager, ce fut une vraie épreuve pour le capitaine président.
Que retenir au final de cet entretien ?
Pas grand chose, le chef d’état a juste voulu rassurer certains de ses compatriotes sur les rumeurs qui fâchent et qui prennent de plus en plus de l’ampleur, et qui réduisent par la même occasion sa côte de popularité. Cependant, les questions qui fâchent ont été éludées soigneusement et certaines traitées avec une banalité extrême. Pour exemple : Quel bilan faites vous de vos 4 mois au pouvoir vu que vous avez dit en trois mois vous ferez mieux que vos prédécesseurs ? Vous avez dit que des généraux se sont enrichis illicitement, mais jusqu’à aujourd’hui personne ne semble être inquiétée ? ….
Par ailleurs, aucune question n’a été posée sur le Plan d’action pour la stabilisation et le développement (PA-SD) de la transition. Cela est juste impensable et vient mettre en cause le professionnalisme de nos journalistes, si tant est qu’ils ont eu le choix.
Pour le reste de l’exercice, cet fut un chef d’état qui ignore les procédures administratives s’immisçant à souhait dans les procédures judiciaires et le disant avec fierté. Deux points furent ahurissants tout de même dans cet entretien. Le premier est le fait de dire que la guerre n’a pas encore commencé alors que nous perdons au quotidien des soldats et des VDP ; cela est une insulte à leur mémoire et aux sacrifices de leur famille. Aujourd’hui les familles ont le droit de demander au Capitaine Président pourquoi leur parent sont morts si la guerre n’a pas encore commencé. Le second point ayant été le fait que le chef d’état dise que les surfacturations n’ont pas commencé sous son régime, banalisant par la même occasion un fait grave qu’il n’a jamais pu sanctionner.
Pour conclure, comme il est de coutume de donner une note, je donnerai une note généreuse de 3 sur 10 pour deux raisons majeures. La première, nous avons assisté pendant plus d’une heure à un entretien qui n’a porté que sur la guerre, mais pas la guerre dans sa grande conception stratégique et idéologique, mais la guerre dans son exécution la plus élémentaire. La seconde, aucune perspective (économique, humanitaire avec les écoles et les centres de santé fermés, diplomatique, la réforme de l’état…) n’a été présentée aux Burkinabè afin que nous sachions où nous allons. Cet fut juste une belle causette entre un jeune capitaine et deux journalistes dont l’une était juste pressée pour en finir avec cette grossière mascarade de mise en scène.
PS : durant la synthèse de ma réflexion sur cet entretien, une voix raisonnait dans ma tête : celle du ministre de la communication, porte parole du gouvernement, faisant un éditorial franc et tranché comme à la belle époque.
Dr Arouna Louré
De mon point de nul n’est parfait ! Et si c’est vous même qui étiez sur le plateau on allait vous critiquer forcément et c’est ainsi la société. Nous avons tous des points divergents.